Les prisons du monde
Annkrist
« La ville est froide, la lumière gluante, ce sont des mois noirs maintenant
La ville est froide je ne sais pas du tout pourquoi c’est toi que je défends
Oh non je ne suis pas sûre de toi, j’ai du tourment
Il n’y a que les prisons du monde dont je sois vraiment sûre à présent
On a vu passer les étourneaux et je crois qu’il se sont trompés de bord
Ou c’est moi qui perds mon bon sens, moi-même qui aurais perdu le nord
Les migrations se trompent parfois de direction
Il n’y a que les prisons du monde qui ne se trompent pas de région
J’ai vu des nuées de neige serrées en Bretagne et venant en avril
Plein été en Kabylie la pluie acre transperçait mes paupières fragiles
Si les saisons mélangent soleil et dépression
Il n’y a que les prisons du monde qui soient pérennes sur l’horizon
Tout change, tout craque, tout crépite, dans les brasiers je prends tes regards
Tes gestes qui tracent des dessins précieux qui habiteront ma mémoire
Sous mes ailes translucides mes ailes affamées
Il n’y a que les prisons du monde elles qui n’auront jamais faim jamais
Oh mon amour ne t’en fais pas cet hiver encore cet hiver rien n’ira
La coupure de la nuit, la douleur du bonheur tout ça tout ça finira
La joie ânonnée rauque nous apprend à partir
Il n’y a que les prisons du monde qui soient faites pour n’en pas finir
Rien n’est parfait toi non plus qui ne sauras jamais dire pardon, dire merci
La règle d’or du milieu des tueurs est posée sur ta table de nuit
Les assassins se taisent, l’amour n’est pas leur pain
Il n’y a que les prisons du monde que le silence protège bien
Je pense à toi jusqu’à ton nom, jusqu’à ta vie, je ne souhaite rien, je suis
Très incertaine moi-même entre mes ailes et perfectible à l’infini
Moi qui tiens à mes rêves autant qu’à m’épargner
Il n’y a que les prisons du monde qu’il n’est pas besoin de protéger
Paraît qu’il n’y a pas de jardin de croix sur les paliers bleus de l’Eden
Qu’il n’y aurait pas sur ses hauteurs de supplique humaine qui ne s’éteigne
Je crois au sang des fleurs qui ne peuvent éviter
Qu’il n’y a que les prisons du monde qui soient sûres de l’éternité »
Depuis de longues semaines tout n’est plus au Proche-Orient, et dans bien d’autres régions du monde, que déflagration-sidération, séparation-sidération, purification-sidération, extermination-sidération…
Comment et en quels termes exprimer mon indignation face aux meurtres de masse et à ceux qui les jugent « logiques » ou « mérités », classant les individus, selon leur supposée appartenance ethnico-religieuse, entre « bonnes » et « mauvaises » victimes ?
Que faire de ce trop-plein d’émotions qui m’envahit et ne demande qu’à déborder sous forme de colère ?
Assourdi par les sirènes tonitruantes des faiseurs d’opinion, j’éprouve le besoin d’une profonde respiration à l’écart de la foule déchaînée, pour ne céder à aucune tentation belliqueuse.
Faire silence jusqu’à ce qu’une parole réconciliatrice advienne, faire silence jusqu’à ce que le visage de l’autre redevienne visage.
Et écouter la voix mélancolique et néanmoins consolatrice de la chanteuse Annkrist. Sa complainte Les prisons du monde invite au recueillement… En attendant des jours meilleurs.