N°140

Etrangers : La chasse est ouverte...

Ecarts d’identité Méta-"Fragments"

par Abdellatif Chaouite
1ere affiche du fn
1ere affiche du fn

Laissons un moment, le moment d’une lecture, les sondages des opinions, les coups d’éclats ou les propos qui disent plus que ce qu’ils annoncent, les caresses osées ou suggérées mine de rien dans le sens du poil desdites « opinions », les batailles à qui entend mieux l’intérêt de « l’identité nationale » ou le bien-fondé de sa préoccupation, etc… Laissons de côté, un moment, ces discours politiques et réso-socio-médiatiques qui se pensent autorisés à dire au nom de tous et mieux que tous évidemment, et plutôt interrogent ou interpellent ou, selon, révoltent plus qu’ils n’établissent de « vérités » ou même d’« évidences »... Et intéressons-nous à, ou rappelons-nous, ces quelques « fragments » tels que leur auteur, le regretté Jean-Luc Nancy, les avait lui-même intitulés : Identité. Fragments, franchises [1] .
Le fragment est plus qu’une forme, c’est une force. La force de la franchise précisément. Il n’a pas le temps de s’attarder à édulcorer et oppose aux discours linéaires rassurants celui de la césure, de la différence voire de l’indignation ou de la colère. Ici ce sont des « Fragments… oui, arrachés par la stupéfaction ». Cet incipit le dit explicitement : le fragment obéit moins à une stratégie de discours qu’il n’est « arraché » par une urgence de dire, dans la stupeur ou l’ébahissement, devant quelque chose que l’on qualifie parfois d’énorme, d’incroyable ou d’inouï.

Où ça « tourne en rond »
Il y a déjà presque vingt ans, en 2007, nombreux furent stupéfiés en effet par l’instauration par le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, d’un ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, organisant en premier lieu un « débat » sur l’« identité nationale » ! Et le philosophe s’interrogeait : et quoi ! « Serait-elle perdue ? Serait-elle devenue décidément trop indécise ? Serait-elle en danger ? » Et, mieux encore et plus profondément s’étonne : « Mais l’État n’est jamais que l’instrument de la nation : ce n’est pas à lui d’en définir, encore moins d’en constituer l’identité » ! Là, la stupeur était générale (historiens, sociologues et politistes l’ont exprimée), et le « débat » n’eut pas vraiment lieu en fin de compte, en tout cas pas sous la forme escomptée qui était de part en part biaisée (questionnaire informatisé, arguments martelés, etc…). Il suscita plutôt d’autres débats, des vrais, sur la mascarade téléguidé d’un faux « débat »...
La stupeur est déjà une manière de sentir ou de percevoir que quelque chose là « tourne en rond » : « resserrer les rangs de tous ceux qui craignent pour l’identité de ladite identité » (ce en quoi se profilait déjà sans doute comme une sorte de propédeutique à la « théorie » du « grand remplacement » : il y a des vrais et des faux Français !) et aussi « prévenir les candidats à la nationalité qu’ils seront homologués par cette identité » (une sorte de politique de La France, tu l’aimes ou tu la quittes !...). Quelque chose tournait donc déjà en rond. Ou, dit d’une autre manière, quelque chose ne tournait plus rond du tout dans ces discours amalgamant à l’emporte-pièce structure générative de cette « crainte » (dysfonctionnements sociaux de toute sorte) et « cultures », « mentalités », « identités », « pour ne pas dire des traits de races ». Comme si la « mutation » de la structure (passée d’un libéralisme qui se voulait encore parfois « social » à un néo-libéralisme décomplexé et agressif) ne produisait pas les mêmes effets sur tous et partout mais cherchait à se masquer derrière un corps-bouc-émissaire désigné : le non-national et mieux encore le « faux » national. Voilà ce que les discours autorisés à dire ne disent pas ou de manière euphémique (la puissance régulatrice du marché, la fraude sociale, etc.), comme se cachant à eux-mêmes cette mutation qui n’était de fait ni identitaire ni culturelle ni nationale mais en quelque sorte « civilisationnelle », aussi bien dans ses fondements écologiques, dans sa télé-technologie agressive, dans son économie dérégulatrice des acquis sociaux comme dans ses instrumentalisations à clichés sur l’« identité nationale » : ce « je veux du gros rouge qui tache » par exemple qui tenait lieu d’argument dans le discours du chef de l’État à ses ministres en 2009, en préparation des élections régionales. Il est vrai que cette image d’Épinal, toujours efficace dans les imaginaires, « n’a pas à s’expliquer » ! (et laissons de côté ici les précédentes : les bruits et les odeurs ou les sauvageons ou les racailles et autres joyeusetés de ce genre). Et elle n’aura rien à envier non plus à ces autres plus tard : le séparatisme qui guette la France ou ce il suffit de traverser la rue pour trouver du travail (et allons donc enfants de la patrie, il suffit de vous armer de vos élans !)...Dans les deux cas, on s’adresse aux plus démunis, une fois déguisé en franchouillard (prêt à nettoyer la France au karcher) pour leur faire oublier leur pauvreté en flattant les vapeurs de leur fierté d’être de « vrais » Français (de « sang » ou de vin ? Et avec ce supplément d’âme que c’est là après tout le sang du Christ !) ; une autre fois en père fouettard (Jupitérien en a-t-on dit) réveillant cette fierté d’être Français (ou de le devenir) par un il n’y a qu’à séparer les mauvaises herbes de l’ivraie et un il suffit de le vouloir pour y arriver… Le réveil fut autre comme l’on sait, au son des casseroles !

Les discours instrumentant l’identité nationale s’adressent aux « plus pauvres » (la richesse suffit apparemment à faire office d’identité par elle-même). On ne peut rêver meilleur « populisme » et plus efficace encore de par ses simili-rondeurs (le franchouillard se voulant complice et le fouettard sévère mais juste), que celui de l’extrême droite : il excite cet « honneur » combiné que donne le patriotisme identitaire et le travail, ne lui manquant au fond que la famille pour basculer dans la plus funeste mémoire… Et manque-t-elle vraiment au fond : dans le débat proposé alors sur l’« identité française », « l’expression « identité française » recèle déjà par elle-même une invitation, voire une instigation à flatter quelque chose comme la « terre » française, quelque chose comme une « lignée » ou une « famille » dotée de ses ancêtres que nous avions naguère identifiés (nous y voilà déjà !) comme les Gaulois, afin de ne pas nous laisser ranger sous l’identité germanique des Francs dont nous portons le nom !

« Identité n’est pas figure »
Le fragment claque comme un phrasé syncopé de jazz. Il réveille les imaginaires de leurs torpeurs… Où est-ce que ça coince donc ? Où est-ce que l’imaginaire identitaire « tourne en rond » dans ces discours ? Là même où cet imaginaire pense l’identité comme « figure », autant dire comme substance ou objet ! Entendons avec l’auteur que les « identités sont toujours métastables ». « Elles le sont parce que la force d’une identité n’est pas de se stabiliser sur soi-même pour une imitation perpétuelle. C’est peut-être ce que la France a trop facilement pu croire, forte qu’elle a été d’être longtemps reconnue – à juste titre – comme une grande figure. Mais identité n’est pas figure. Identité est chose plus subtile, plus délicate, plus fuyante. Sa force est de déplacer, de changer les figures ». Remarquons qu’il s’agit de « déplacer » et non de remplacer, et qu’il ne s’agit pas de changer de figure mais de changer les figures, car « identité n’est pas figure », n’est pas forme stable mais force…En conséquence : « C’est pourquoi une « identité nationale » forte ne propose pas qu’on débatte de ce qu’elle est, comme s’il s’agissait d’analyser un tableau. Elle invente un nouveau tableau, une nouvelle scène, de nouveaux personnages ».
Attardons-nous sur ces fragments. En vérité ils n’apportent rien de nouveau : la supposée stabilité des identités a été déconstruite depuis longtemps par toutes les sciences et disciplines (l’auteur lui-même le rappellera plus loin : « Pour quiconque travaille dans ce qu’on appelle les sciences humaines… l’annonce d’un [tel] débat sur l’identité nationale ne pouvait de prime abord que déclencher un rire incrédule »). Cependant, la formulation pèse le poids de son phrasé : « la France a trop facilement pu croire... » : l’identité et a fortiori l’« identité nationale » est d’abord une croyance, aussi efficace sans doute et aussi indécrottable que la croyance religieuse. C’est cela même qui fait sa force, mais aussi fait passer pour « vraie » et à travers moult rituels toute évocation de sa « figure », notamment dans les discours de l’extrême droite... La première citation que l’auteur a mis en exergue de son livre, une citation de Claude Lévi-Strauss, parle de « foi » [2]. : « la foi que nous mettons en elle [l’identité] », lors que cette entité (à supposer qu’elle en soit une) est « fuyante » : elle « invente » à chaque fois « un nouveau tableau, une nouvelle scène, de nouveaux personnages ». Autrement dit, elle s’invente toujours elle-même et à chaque fois autre qu’elle-même... Pour le dire dans la ligne et l’esprit de cette revue : l’identité est toujours en écarts, avec elle-même et avec les autres !

1er affiche du fn sur immigratio
1er affiche du fn sur immigratio

Dans une autre réflexion [3] , J.-L. Nancy élabore plus profondément la question ontologique (dans laquelle il faut comprendre aussi la question identitaire que l’on veut absolument ériger comme « figure »), comme une question à redresser en quelque sorte : de l’« être » tout court (ou de l’identité tout court) à ce qu’il appelle un « être-avec » : « La question de l’être et du sens de l’être est devenue la question de l’être-avec et de l’être-ensemble (du sens du monde). Voilà ce que signifie une inquiétude moderne qui révèle moins une « crise de société » qu’une injonction que la « socialité » ou que la « sociation » des hommes s’adresse à elle-même »...L’« inquiétude » n’est pas « crise » mais souci d’accompagner efficacement une traversée (de la pensée de « l’être » à la pensée de « l’être-avec »). Et voilà en quoi on peut reconnaître également un acquitté qui n’obéit à aucune élucubration national-identitaire, qu’elle soit locale ou européenne (cette « nymphe effarée » dit-il, à la fois naïade et effrayée par les colosses nationaux gardiens de leurs souverainetés)...Toute identité est multiple et à tous ses niveaux. On comprend là que ce qu’on appelle identité nationale n’est pas une géographie de l’esprit ou une cartographie mentale de paysages éternellement figés mais une histoire mouvante et évolutive... Ce terme demeure cependant « froid », administratif dans ses usages (ce fameux principe de subsidiarité européenne notamment) et abstrait dans les manières de le penser, un concept « raide » !

Une identité-relation

Une « Franche identité » ne peut être qu’une identité franche « du collier » comme on dit, affranchie intérieurement des « chiffres et des codes du contrôle administratif » et de même de « toute provenance, référence, allégeance ». Aucun autre ne peut la définir ni la réduire, elle s’affirme elle-même et d’elle-même dans la relation. Elle est de ce fait relative, à la fois franche dans son auto-identification (« libre d’affirmer qui je suis ») et permettant relation avec toute autre, également franche dans l’affirmation de sa différence. A la fois affranchie et franche, elle est toujours identité-relation (E. Glissant) ou identité-différence (A. Khatibi) : cette franchise « ouvre immédiatement l’identité comme telle : c’est-à-dire dans sa différence à soi comme au reste. »
« Le nom « France » dans ce sens et l’adjectif « français » porteraient ainsi un bien beau privilège : car le mot franc, comme nom de peuple et comme adjectif, a été généreusement chargé de valeurs de l’indépendance, de la non-inféodation ; le franc, avec et sans majuscule, porterait le nom même de ce que requiert une identité : non d’abord ses attributs mais la franche disposition de son statut et de là la franchise de sa déclaration. » Rien à voir donc avec de quelconques attributs (un béret, un pichet ou même une baguette comme patrimoine national), ni avec les tentatives qui visent à affranchir ce nom de « Franc » de la germanité qui l’habite, ni sans doute de cette tentation des bienfaits de la colonisation qui continue à auto-coloniser certains esprits !
Toute identité engage « le procès de son identification » ou le procès de son histoire. Ce procès veut dire qu’elle n’est pas donnée ni absolument ni d’avance mais engagée dans un devenir assumé, ce qui n’est pas ou n’a pas un terme absolu, connu d’avance ou à atteindre, mais seulement imprévisible. Une identité se réalise de fait dans son mouvement même : il ne la ramène pas à un quelconque « identique », il l’ouvre à ce qui vient à elle et à ce qu’elle advient dans ce de-venir. C’est en cela qu’il y a quelque chose de véritablement « démocratique », au sens ici d’une auto-identification d’un peuple en cohérence avec ce qu’il devient. Car « la politique démocratique veut dire une seule chose : qu’à toute possibilité d’identité (personnelle, collective, les deux ensemble, cela non plus n’est pas donné en soi distinct) soit ouvert l’espace où tracer, déployer, ramifier sa ou ses lignes d’identification. » Ce sont les mécanismes d’identification et d’auto-identification qui créent l’« identité » et non l’inverse. Cela a à voir avec la vie même qui « ramifie » en ses printemps (ce qui n’est pas le retour à l’identique mais « un retour qui n’est pas reprise, réitération, mais retour infini à l’absolument différent dont la différence absolue fait la mêmeté »). L’identité n’est fidèle qu’à la différence qui la constitue dans son devenir. C’est en cela même qu’elle est objet d’une « politique démocratique ». Ce qui n’a rien à voir avec un quelconque spectre de « grand remplacement »…Et ce pied de nez avant la lettre : « Un mauvais écrivain… a déjà devant lui, avant de commencer, des identités identifiées ». Le bon ne prétend jamais « avoir découvert l’identité dernière de ses personnages » !
L’« identité », ou ce qu’on appelle tel, n’a jamais croupi à quelque niveau où on essaie de la figer (« à quelque chose comme un sens tout autant qu’à la position d’une particule »), un territoire, une langue, un peuple, une nation ou une personne. Les créoles le signifient dans différents lieux de heurts historiques des identités, autant dire tous ! (et de manière plus flagrante encore chez les générations d’aujourd’hui !). Autant elle ne se « remplace » pas, autant elle ne cesse de se déplacer, dans ses lieux, temps et attributs. Ne pas le comprendre c’est au fond ne rien comprendre au monde dans lequel on vit, ou pire vouloir en arrêter le temps ! Et c’est au fond ce qu’il faut comprendre aussi de beaucoup de guerres et conflits actuels : ils ne sont « identitaires » que parce que politiques, lors même que, paradoxalement, toutes leurs composantes sont créolisées en elles-mêmes, intégrant les unes et les autres les éléments mêmes qui les opposent ! Et c’est donc « un fourre-tout encore plus extravagant qu’on nous fait voir : on balance ensemble ressorts nationaux, voire « ethniques », symboles religieux (débarrassés de toute théologie), réécritures ou aménagements des « droits de l’homme », appels fervents à une histoire déjà bien vieillie, astuces variées pour que le judiciaire et même le législatif n’entravent pas trop l’action d’un exécutif d’autant plus pressé qu’il est en somme pourchassé par sa propre identité. C’est sur elle qu’il s’est fait choisir, c’est d’elle qu’il est comptable s’il veut garder les rênes. Or il le veut, puisque c’est par elles qu’il s’identifie ... ». Peut-on être plus clair sur ce qui « tourne en rond » ? L’« identité nationale » est à la fois un instrument politique puissant (de mobilisation) et un piège (potentiellement explosif), l’histoire moderne et même actuelle nous l’apprend. Une manière ou une astuce pour brimer le mouvement identitaire. Il ne fait de l’identité ni un absolu ni une évanescence mais, à tout niveau et toujours, une « singularité plurielle » et reflète en cela l’état du monde en relations dans son Divers, dans ses déplacements et dans ses métamorphoses intérieures et extérieures.

L’aveuglement là-dessus est toujours « stupéfiant » pour quelqu’un qui a su prendre la distance (ici philosophique) qui permet de penser. D’autant qu’il sait que ce n’est point un aveuglement justement mais « l’ensemble des intérêts qu’il [ce semblant d’aveuglement] s’efforce de servir (lesquels intérêts en dernière instance se soucient peu de l’identité ou des identités : il leur suffit qu’un sou soit un sou, identique à tout sou mais sans autre identité) » ou sans odeur comme on dit communément. Et comment dire et de façon concrète (et aussi « stupéfaite ») les choses ! C’est ce que les expressions pragmatiques disent de plusieurs façons : en marchant, en criant, en élevant une forêt de pancartes, en tapant sur des casseroles hier comme aujourd’hui (pardon, aujourd’hui ce sont des dispositifs sonores portatifs !), ce qui n’est pas « une mode intellectuelle » mais une manière d’affirmer justement une « identité » ouverte, notamment européenne, qui se rêvait non plus nationaliste mais disant quelque chose d’une nouvelle ère « civilisationnelle » que beaucoup auraient souhaité la voir incarner…en vain ! Elle n’a pas su abandonner ce « désir » des nationalités qui la taraude toujours : « En fait, nous sommes tous à la même enseigne : nous flottons sur un océan de matières identitaires que rien ne semble plus pouvoir catalyser en « identités » – qui d’ailleurs n’auraient pas nécessairement à être nationales, qui pourraient croiser nation et culture, religion, art, langue ». Et de même donc que l’immensité même d’un océan peut se révéler polluée aujourd’hui, ses matières spirituelles ou identitaires (culturelles, politiques, religieuses, etc.) peuvent l’être également. C’est le spectacle désolant auquel nous assistons : matière et esprit de tout un monde (le seul que nous vivons pourtant) subissent des destructions, les unes nourrissant les autres. Depuis longtemps nous le savons et depuis longtemps nous le vivons et continuons de le vivre, en guerres et fiertés d’empires et nationalismes intolérants, mais toujours pas de Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution des nationalismes ! Non point des identités mais des nationalismes. Car, « l’identité n’est pas isolable comme un précipité… [elle] laisse des traces, mais jamais une chose ni une unité des sens ». Quand les nationalismes ne fabriquent plus eux, aujourd’hui, que des « choses » : guerres et occupations et préférences nationales et discriminations ethniques ou de genres et des non-assistances décomplexées à personnes en danger et tout type d’instrumentalisation de l’Homme perpétrées par des serviteurs d’une mondialisation néo-libérale échevelée. Des « extrêmes » qui pullulent masqués régionalisant de nouveau ce monde catastrophiquement dans leurs périphéries.

Et ce mot de la fin des « Fragments » de Jean-Luc Nancy : « L’identité est l’événement appropriant d’un « un » (personnel ou collectif). Pareil événement n’a pas lieu une fois mais sans cesse, à chaque instant. Et chaque fois cette appropriation forme une « exappropriation », selon le mot de Derrida. Puisqu’il n’y a jamais un sujet fixe, déjà identifié, auquel l’appropriation reviendrait. Chaque fois il est différent, et des autres et de soi, c’est-à-dire différent de toute identité. »
Ce mot pourrait en fin de compte figurer en exergue d’Écarts d’identité. Cette revue a toujours milité pour la reconnaissance, personnelle et collective, des écarts constitutifs de toute identité, garants de sa liberté et de son égalité, et contre toute appropriation idéologique, politique, religieuse, culturelle ou de genre de ces écarts. Une identité à chaque fois singulière et toutes les fois plurielle en somme.

SOS Méditerranée
SOS Méditerranée

[1Jean-Luc Nancy, Identité. Fragments, franchises, Galilée, 2010. La plupart des citations de ce texte sont issues de cette référence

[2« A supposer que l’identité ait elle aussi ses relations d’incertitude, la foi que nous mettons encore en elle pourrait n’être que le reflet d’un état de civilisation dont la durée aura été limitée à quelques siècles » Claude Lévi-Strauss, Avant-propos aux textes du séminaire L’identité (1974-1975), Parais, PUF, 1983

[3Jean-Luc Nancy, Être singulier pluriel, Galilée, 1996-2013.