
Didier Fassin, anthropologue, sociologue et médecin président du Comité pour la santé des exilés, qui préface ce livre, rappelle que ce qu’on appelle la santé des « migrants » est une catégorie construite à partir d’un double héritage : de la médecine tropicaliste (coloniale) et de l’hygiène publique qui fait des migrants « l’incarnation la plus manifeste des disparités de santé ».
Héritage problématique aujourd’hui, vu que les pathologies que connaissent les migrants « ne sont guère spécifiques », malgré la « prévalence » parfois élevée de certaines « infections ». Inversement, les problèmes de santé qu’ils peuvent connaître sont plutôt « fonction de la manière dont ils sont traités par les pays qui les accueillent » (violences, précarisations, conditions d’insalubrité, anxiétés, etc.). D’où la mise en « question(s) » de la désignation « santé des migrants ».
Jean-Marie André (économiste de la santé) rappelle quant à lui que ce livre qui se veut à destination d’un grand public est issu d’un colloque (2018) sur cette thématique rassemblant plusieurs acteurs de métiers divers autour des migrations ainsi que des migrants eux-mêmes, à partir de trois entrées : « l’état de santé des migrants à partir d’un regard sur leurs conditions », « l’accès aux services de santé » et « l’organisation des acteurs en termes de soins et d’accompagnement ».
Cette clé de compréhension permet ainsi de mieux appréhender les grandes questions de ce qu’on appelle la « santé des migrants ». Aux deux bouts de cette clé, d’un côté : « C’est quoi la santé ? Paroles des migrants », de l’autre, le sociologue Nicolas Chambon, responsable de la recherche à l’Observatoire santé mentale (ORSPERE-AMDARA) à Lyon, fait état de « nombreux individus et collectifs qui se mobilisent en solidarité avec les personnes migrantes » et conclut que « Prendre soin de la santé des personnes migrantes permet d’appréhender la personne dans sa globalité ». Entre ces deux bouts de la question, différents acteurs professionnels passent en revue : les « conditions de vie et de santé en migration », la « santé mentale des migrants », les « mineurs non accompagnés » ; les questions d’« assurance » et « d’accès aux soins ». Autant dire, un regard qui balaie tout le spectre de ce que « santé veut dire ».
Abdellatif Chaouite