Cette publication, de belle facture et riche en photographies d’archives, accompagne l’exposition La Vie mode d’emploi qui retrace les manières dont les citadins habitent les logements populaires (présentée au Musée Urbain Tony Garnier jusqu’au 16 décembre 2018).
Historien.e.s, sociologues et anthropologues s’attellent à y porter un regard, « décalé » de ceux courants, sur « comment se « fabrique » la ville et par là-même ses habitants » : le rôle des « réformateurs inspirés » dans les initiatives novatrices (B. Angleraud) ; les « mécanismes législatifs » et la construction d’une « politique du logement » (B. Voisin) ; et cet habitat précaire, ces « villages nègres » aux portes des grandes villes qui fonctionnent (encore aujourd’hui sous forme de campements) comme sas quasi-obligé pour les populations migrantes (O. Chavanon). Cependant, la fabrique des urbains, c’est aussi une multitude d’institutions et d’acteurs associatifs qui y contribue, notamment en agissant sur les fractures aussi bien sociales que culturelles (J. Bonniel). Inversement, les habitants déploient manières de faire et de vivre pour s’approprier leurs logements et quartiers selon leurs histoires et leurs mémoires (N. Halitim-Dubois).
A l’heure où « habiter le monde » prend son sens plein : un horizon jalonné de mégapoles, c’est toujours les mêmes rapports de forces qui fabriquent le citadin : entre « aspirations individuelles » et « politiques publiques », faire sa place articule « discipline » à épouser des cadres normatifs, contraints de bien des manières, et « autonomie » pour adapter ces cadres à ses aspirations... Ce livre, aussi plaisant à parcourir qu’important pour comprendre les enjeux de l’habiter, propose de cheminer dans l’évolution de l’histoire de la fabrique des citadins, de ses enjeux politiques, économiques et culturels et de ses acteurs, depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui.
Abdellatif Chaouite