
Angie Thomas est née, a grandi et réside toujours à Jackson, dans le Mississippi. Elle est titulaire d’un diplôme en écriture créative de l’Université Belhaven. The Hate U Give / La haine qu’on donne est son premier roman pour jeunes adultes.
Le Mississippi, un état où le Ku Klux Klan sévit toujours avec sa violence inouïe, c’est le « Sud profond », l’Amérique conservatrice et raciste où être noir est depuis toujours un risque quotidien. Dans les colonnes du New York Times le psychiatre Timothy Summer constate que « Le racisme a toujours, d’une façon ou d’une autre, fait partie du mode de vie du Mississippi », et de préciser « Il y a encore une partie de notre culture qui est très attachée à la façon dont les choses se passaient avant. Mais ce groupe ne représente qu’une minorité, la plupart des gens de chez nous sont des gens bien et honnêtes, mais peut-être un peu trop naïfs et complaisants vis-à-vis de la question du racisme » !
Publié en 2017 aux Etats-Unis, l’ouvrage a été inspiré par le mouvement Black Lives Matter, (“Les vies noires comptent”), qui, à travers l’Amérique, rassemble, depuis 2013, des militants afro-américains pour dénoncer les violences policières et le racisme systémique contre les noirs et particulièrement contre les jeunes. Dans une interview, Angie Thomas explique son livre en disant : « J’ai choisi d’écrire pour les jeunes, car dans de nombreux cas ce sont eux les victimes. Trayvon Martin avait 17 ans, Tamir Rice en avait 12. Je vois beaucoup de jeunes dire : « J’aurais pu être Trayvon Martin. » Et quand on parle de ces problèmes, bien souvent les adultes accaparent la conversation. On ne les écoute pas quand ils disent qu’ils sont terrifiés ».
À 16 ans, Starr l’héroïne du roman est une jeune lycéenne habitant dans le ghetto mais allant à l’école, dans un collège privé et dans le quartier des classes moyennes à majorité blanche. Elle a déjà vu tomber sous les balles un ami d’enfance victime d’un gang. Ce soir là elle est à une fête qui finit en baston et fusillade. Elle s’interroge sur le quartier et sa violence « j’ai beau avoir grandi là-dedans je ne comprendrai jamais qu’on se batte pour des rues qui n’appartiennent à personne… ».
Elle s’évacue de la soirée dans la voiture de son ami Khalil. Ils écoutent Tupac Amaru Shakur (rappeur célébrissime aux USA, fils de militante Black Panther, mort lors d’une fusillade en 1996)… derrière eux une voiture de police sirène hurlante leur impose de s’arrêter. Starr se demande alors si son ami Khalil a reçu de ses parents les mêmes consignes qu’elle. Pour son anniversaire à 12 ans, les parents de Starr l’ont informée sur la sexualité et sur la conduite à tenir en cas d’interpellation par la police. « Laisse tes mains visibles », lui a conseillé son père « Ne fais aucun mouvement brusque »…
Le contrôle de police dégénère, Khalil décède après avoir reçu trois balles dans le dos…Starr va défendre la mémoire de son ami décédé face au policier, qui assure avoir agi en situation de légitime défense… !
Le roman nous plonge dans le racisme au quotidien que subissent les jeunes afros-américains, le courage qu’il faut pour témoigner contre la police, la frayeur qu’inspire la police, cette peur toujours présente et cette haine qui naît de l’injustice.
Le livre est fort et douloureux car il trouve les mots pour dire la violence au quotidien mais aussi la vie qui est là toujours : « Soyez les roses qui poussent dans le béton ».C’est ainsi qu’Angie Thomas termine son “livre document”.
Bruno GUICHARD