Nora Hamdi est romancière, réalisatrice, scénariste ; elle est née à Argenteuil en 1968. Longtemps elle ne saura rien de la vie de sa mère, née en Kabylie et qui a suivi son époux en France, si ce n’est qu’elle était « de ceux qui avaient porté la victoire de l’Algérie ». Elle écrit son premier roman Des poupées et des anges, (Ed ;Au Diable Vauvert) Elle obtient alors le prix Yves Navarre. En 2005 elle écrit Plaqué or, puis suivra La Désinvolture du prince charmant (Ed. Flammarion). Elle adapte et réalise pour le cinéma son premier roman. Elle revient à l’écriture et publie Les Enlacés, puis en 2011 elle sort son quatrième roman La Couleur dans les mains. Elle travaille ensuite sur son roman historique La Maquisarde,
« inspiré du témoignage de sa mère pendant la guerre d’Algérie et de la France anti-coloniale ». Elle va sur les traces de sa mère en Algérie et filme l’ancien camp de concentration et son ancien village ratissé. La Maquisarde sort en 2014 (Ed. Grasset). Puis aux Editions Sedia en Algérie. En 2018, elle réalise La Maquisarde, film inspiré de son livre. Le film est sorti dans les salles de cinéma le 16 septembre 2020. La sortie du ;film est une nouvelle fois rattrapée par la Covid car il devait être présenté en mars dernier… A cette occasion les éditions Grasset rééditent le roman de Nora Hamdi.
Le film se déroule en 1956, quand Neïla, une jeune paysanne kabyle de 16 ans, dont un frère participe à la lutte armée, rejoint un groupe de maquisards puis est capturée par un commando des forces militaires françaises, commando de triste mémoire ! Le film pourrait ressembler à une fiction sauf que tout y est vrai : les ratissages de l’armée française, la destruction des villages pour couper les combattants du FLN de la population, les centres de regroupements qualifiés par Nora Hamdi de camps de concentration. Ces camps seront dénoncés à l’époque par Michel Rocard et toutes celles et ceux qui en France luttaient contre la guerre d’Algérie. Ces anticoloniaux français (à l’époque être anti colonial se payait cher : assassinats, années de prisons puis d’exil….) reçoivent ici hommage. Elle le fait parce qu’un militaire français, appelé du contingent, a sauvé sa maman de l’exécution alors qu’elle était entre les mains des équipes formées par Bigeard, Massu et autres tortionnaires.
Ce film est un hommage à la place essentielle tenue par les femmes dans la lutte du peuple algérien. Il y a les militantes connues et reconnues comme Fatma Chebbah Abdelli, Zohra Drif Bitat, Louisette Ighilariz, Baya Outata Kollé, Baya Laribi Toumia, Danièle Djamila Amrane Minne, auxquelles le documentaire Moudjahidate d’Alexandra Dols rend hommage (doc paru en 2008). En racontant l’histoire, restée silencieuse pendant tant d’années, de sa maman, Nora Hamdi nous fait découvrir ces paysannes illettrées analphabètes pour qui le mot dignité résonne, quand il est bafoué par la puissance coloniale, comme un appel à la lutte. A la fin de la guerre, victoire acquise, les gouvernements successifs n’ont pas donné à toutes ces maquisardes la place qu’elles auraient dû avoir dans la société algérienne.
Dans une interview à El Watan (15 septembre 2020) Nora Hamdi précise « Je souhaite rappeler l’implication des femmes dans la guerre algérienne de Libération, montrer les femmes populaires, paysannes, citadines, de tous milieux, affirmer leur présence. Elles se sont battues comme les hommes, mais n’ont pas eu la lumière sur elles, je souhaite rappeler via ce film qu’elles existent dans chaque famille algérienne et que pour beaucoup, elles sont mortes dans l’oubli. »
A la sortie de son livre elle expliquera que « Passer sous silence ce passé qui unit, inexorablement, la France et l’Algérie est une façon d’ignorer ce passé » avant de préciser ses influences littéraires, « Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Georges Sand, Françis Jeanson, Kateb Yacine, Marguerite Duras, Hubert Selby, Jane Austen, Guy Debord, James Ellroy »
Un livre à lire puisqu’il vient d’être réédité et un film à faire circuler car si la Covid empêche la sortie de films les producteurs se sont montrés si frileux que Nora Hamid a pratiquement produit elle-même son film. Les mots “femme” et “guerre” ne forment pas une association facile à vendre…« j’ai produit le film car, c’est vrai, les producteurs étaient frileux, sauf un que j’avais au début, qui m’a soutenue en présentant le film au Centre National de la Cinématographie (CNC) mais qui a été refusé sans vraiment me donner d’explication (on m’a dit qu’il y avait trop de concurrence). Bref, on n’a rien compris. Puis, ce producteur ne pouvait pas continuer car il n’est plus de ce monde, paix à son âme. C’est ensuite, en voyant un documentaire sur le cinéaste John Cassavetes qui racontait comment au début il faisait ses films indépendants mais sans budget qui m’a inspirée en me demandant si c’était possible à notre époque. J’ai essayé, et même si c’était compliqué, je l’ai fait. Mais ce film aborde la guerre d’Algérie comme fait historique et non comme tabou. »
Bruno Guichard
Voir l’interview de Nora Hamid et la bande annonce du film sur TV5 monde https://www.youtube.com/watch?v=nV-W6Cejua4