N°135

Notes de lectures

Racismes de France Réflexions sur les marches...

par Farid RIGHI

Racismes
de France
Réflexions sur les marches de la dignité et
les antimouvements décoloniaux

OMAR SLAOUTI ET
OLIVIER LE COUR GRANDMAISON, (SS DIR.)
ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE, PARIS, 2020, 395 P.

racismes de france
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La France raciste ? Telle est la question posée à travers cet ouvrage regroupant vingt-trois contributions d’auteurs d’horizons divers : journalistes, universitaires et personnalités militantes.
Véritable ouvrage « coup de poing » car les auteurs se positionnent dans une véritable remise en question de la mythologie nationale républicaine privilégiant l’exception universaliste. Ils dénoncent les « raciologues et mythologues » de tous bords qui nous imposeraient une vision réductrice de la pensée raciste finalement.

Les différentes contributions visent à identifier et à déconstruire les mécanismes de mise en place d’un racisme institutionnel présent dans tous les espaces et institutions de la société française envers les minorités ethnoraciales (Police, Droit des étrangers, demandeurs d’asile, Service de santé pendant la crise sanitaire COVID 19, accès et discrimination au sein du monde du travail, lecture raciales d’événements dans la presse, ...). A la fois fort documentées et s’appuyant sur des travaux scientifiques et journalistiques, les contributions mettent en évidence la construction de notions, concepts et catégories (racisme d’Etat, racisme institutionnel, Etat raciste, islamophobie, communautarisme, etc.) en distinguant plusieurs communautés stigmatisées.

Le racisme est appréhendé comme une catégorie rendant compte de la construction sociale et historique de notre société dans sa structuration en rendant visible l’expérience invisible de l’héritage colonial qui perdure (rapports de domination et processus de discriminations).
Il ne s’agit pas de confondre racisme d’Etat et Etat raciste. Par Etat raciste, il faut comprendre dans l’ouvrage une conception hiérarchisée de la société par minorités organisées et établies par un arsenal juridique : l’état nazi, l’Afrique du sud et l’apartheid ainsi que certains contextes et périodes françaises à travers son histoire et empires coloniaux.

Par racisme institutionnel ou racisme d’Etat, les auteurs entendent des pratiques au sein des corps de l’État, celles par exemple de policiers qui se livrent à des contrôles au faciès ciblant les personnes issues de l’immigration maghrébine, autrement dit les héritiers de l’immigration coloniale et post coloniale qui peinent à trouver leur place dans la société. La police étant un des piliers de l’Etat, les auteurs considèrent que nous avons à faire à un racisme institutionnel dépendant de la structure étatique, donc à un racisme d’Etat.

Le racisme institutionnel est attrapé au-delà de ce que l’on entend communément (discours, actes discriminants) en insistant sur les logiques institutionnelles de racialisation, que ce soit en terme de pensée ou de pratiques, exercée sur certains groupes. Les auteurs souhaitent nous éveiller ainsi à une approche systémique du racisme souvent occultée par une police des mots, une police de la police valorisant l’universalisme républicain.
Une question demeure cependant dans le lien entre racisme d’Etat et la question postcoloniale : comment travailler nos héritages et nos frontières géographiques, historiques, esthétiques, linguistiques, sociales, culturelles, imaginaires pour pouvoir assumer le passé, le reconnaître pour pouvoir transformer nos héritages. Monsieur le passé, voulez-vous passer ? chantait Léo Ferré.

Farid RIGHI