
C’est sans aucun doute le livre de Gerard Noiriel que tout le monde attendait. Lui, l’historien du monde ouvrier, de l’immigration et de la question nationale en France, a mis ses mots dans les pas de Jules Michelet, Fernand Braudel et Michelle Zancarini-Fournel, pour nous dire sa vision de l’histoire de la France.
Ce livre fleuve, 10 ans de travaux et une vie de recherche, est dans le sillage de l’Histoire populaire des Etats-Unis (1980) d’Howard Zinn. Dans les quelques mots de sa préface, Gérard Noiriel explique : « plus que le point de vue des dominés, j’ai privilégié l’analyse de la domination, entendue comme l’ensemble des relations de pouvoir qui lient les hommes entre eux » ; avec comme ambition ultime d’aider les lecteurs « non seulement à penser par eux-mêmes, mais à se rendre étrangers à eux-mêmes, car c’est le meilleur moyen de ne pas se laisser enfermer dans les logiques identitaires »
La France, c’est ici l’ensemble des territoires (colonies comprises) qui ont été placés, à un moment ou un autre, sous la coupe de l’État français. Dans cette somme, l’auteur a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands événements et les grandes luttes qui ont scandé l’histoire depuis la fin du Moyen Âge : les guerres, l’affirmation de l’État, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques et les crises, l’esclavage et la colonisation, les migrations, les questions sociale et nationale.
Pour expliquer son ambition, il nous livre ces mots qui résonnent si particulièrement dans la société française d’aujourd’hui : « Pour moi, le « populaire » ne se confond pas avec les « classes populaires ». L’identité collective des classes populaires a été en partie fabriquée par les dominants et, inversement, les formes de résistance développées au cours du temps par « ceux d’en bas » ont joué un rôle majeur dans les bouleversements de notre histoire commune. Cette perspective m’a conduit à débuter cette histoire de France à la fin du Moyen Âge, c’est-à-dire au moment où l’État monarchique s’est imposé. Appréhendé sous cet angle, le « peuple français » désigne l’ensemble des individus qui ont été liés entre eux parce qu’ils ont été placés sous la dépendance de ce pouvoir souverain, d’abord comme sujets puis comme citoyens. »
En faisant le choix du récit, Gérard Noiriel nous offre un ouvrage sans note mais avec une bibliographie imposante pour chaque chapitre. A la lectrice et au lecteur de travailler eux-mêmes dans les pas de l’historien….
En conclusion Gérard Noiriel nous oblige à nous interroger sur : de quel avenir Macron est-il le nom ?, en déconstruisant le livre manifeste d’Emmanuel Macron, Révolution. Tout cela avec un clin d’œil au Karl Marx de la Contribution à la critique de l’économie politique : « L’humanité ne se pose jamais que les problèmes qu’elle peut résoudre ».
Bruno GUICHARD