N°129

Notes de lectures

Mes voisins, Récits et anecdotes de la migration

de Benjamin Vanderlick

par Abdellatif Chaouite

La passe du vent, 2017

Une « symphonie », une vraie, une composition à plusieurs mouvements, dans le temps et dans l’espace, exécutée par un nombre important de voies, d’accents, de langues. La « Symphonie d’un nouveau monde » dit le préfacier Yvon Le Men. Le nouveau monde à vrai dire, celui qui fait que le lointain devient « voisin ».
Un projet également, le projet de visibilisation de ce nouveau monde. Benjamin Vanderlick en chef d’orchestre de cette symphonie, connaît la musique. Ethnologue et photographe, il a accompagné longtemps les émergences de ce nouveau monde, dans le cadre notamment de Traces, réseau histoire-mémoires de l’immigration dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pendant plus d’un an, il a invité des habitants de quartiers populaires comme on dit, d’Annemasse, de Bron, de Lyon, de Saint-Étienne et de Vaulx-en-Velin, à aller à la rencontre d’un de leurs voisin.e.s, immigré.e.s, pour connaître son histoire. Ce n’est pas un énième « recueil » des mémoires de l’immigration, c’est l’orchestration de rencontres et de relations entre voisins, l’invite à échanger, à faire réseau ou rhizome dans le quartier.
Et à partager, le meilleur et le pire : « Je suis arrivé pour changer de vie, c’est tout ! C’est une chance, ça », le poète dirait « une chance de la beauté ». Ou encore « j’ai eu la chance de tomber dans un circuit avec les bonnes choses de la vie ». Mais et tout aussi bien : « le regard des autres, on le sent, on le ressent vraiment », « Ici, c’est difficile juste parce que je n’ai pas de papiers », « tout le monde a peur de nous, et tout le monde nous exploite. C’est terrible, c’est terrible »… Ces « poèmes autobiographiques » font la France d’aujourd’hui, en tout cas son murmure ou son récit qui nous interroge. Et, pour bien nous interroger justement, et comme le dit le postfacier du livre, l’écrivain Velibor Colic, « écoutons [donc] nos voisins ».