N°136

note de lecture

En transition Trajectoires de jeunes migrant•e•s en situation juridique précaire

par Abdellatif CHAOUITE

En transition
Trajectoires de jeunes migrant•e•s en situation juridique précaire

Claudio Bolzman, Alexandra Felder & Antonio Fernàndez
ies éditions 2020

En transition, le mot est générique : il désigne de multiples transitions, et simultanées, pour une catégorie de jeunes, les jeunes dits « migrants ». En transition d’un pays à un autre, d’un statut juridique à un autre (précaire ou incertain), d’un âge à un autre (de l’adolescence à l’âge adulte) et d’une expérience initiatrice à une autre (d’une éducation culturelle à une autre, pragmatique : l’initiation à la vie professionnelle). Toutes ces transitions sont conditionnées. Ce qui fait la problématique du livre : quels soutiens apporter à ces jeunes pour accomplir leurs transitions ? Avec quels moyens pour prendre en compte leurs spécificités et, en même temps, les faire bénéficier des mêmes soutiens que les autres jeunes ? Quelles épreuves cela constitue pour les professionnels qui accompagnent ces transitions ?
Cette étude a été menée au sein d’un dispositif d’accompagnement associatif et institutionnel genevois, mais elle interroge partout, du moins en Europe, qui n’a plus rien aujourd’hui d’exceptionnel (récemment encore plus d’un millier de mineurs ont débarqué à la nage sur les côtes espagnoles en quête d’un avenir que leurs pays ne peuvent plus leur offrir ou qu’ils estiment ne pas pouvoir acquérir normalement). Au-delà, c’est une réalité qui doit nous interroger autrement : c’est le monde qui est en transition : de ses frontières, de ses démographies, de son économie, de son écologie, de la nécessité du partage de ses moyens et surtout de ses imaginaires. Un chaos-monde par rapport auquel les modes de gouvernances, comme on dit aujourd’hui, demeurent en retrait (politiques restrictives, « mauvaise presse », manipulations idéologiques, etc.).
En attendant, la nécessité faisant loi, des laboratoires de ces transitions voient le jour partout, ce qui est le cas de l’expérience rapportée ici. Elle met en lumière les spécificités de ce public des points de vue juridique, socio-culturel, humain, etc. en lui donnant la parole, et en analysant les effets de ces spécificités sur les professionnels de l’accompagnement social et de l’éducation. Chose encore peu traitée dans les études sur les mineurs non accompagnés, et manque qui n’aide pas à transformer les imaginaires, notamment là où des processus discriminants sont à l’œuvre concernant ces jeunes (« une véritable précarité légale résultant des politiques institutionnelles »).
Beaucoup d’idées reçues (notamment de la part des professionnels) sont battues en brèche dans cette étude : population hétérogène et non uniformément « marginalisée », une perception de la différence (religieuse et culturelle) non forcément problématique, confiance en l’avenir, etc. Une étude qui amène à « repenser le parcours de formation » de ces jeunes, plus en accord avec la réalité de leurs situations, ainsi qu’à « faciliter » leur accès à des « statuts juridiques stables ».