N°136

culture

" L’autre Babel " : Cannelle et Piment - documentaire.

Un film de Meissoune Majri et Audric Chapus (2018)
Durée : 15 minutes

Synopsis

Cinq femmes, Haïfa, Zouleïka, Naïma, Fatoumata, Karima, et un point commun, la cuisine, comme vecteur d’indépendance. Cinq femmes, aux histoires individuelles bouleversantes, images d’un féminisme populaire, ancré dans un quartier de la banlieue lyonnaise, qui bousculent tous les clichés liés à leur condition de femmes immigrées ou issues de l’immigration. Une immersion sur le lieu de travail qu’elles se sont créé, un lieu de vie avant tout, où s’exprime toute la richesse de leur combat.

Genèse

En 2017, nous faisons la rencontre de Waël Hamoui. Il est depuis quelques années, gestionnaire d’une association créée il y a vingt-cinq ans à Vaulx-en-Velin par un groupe de femmes immigrées ou issues de l’immigration. Depuis vingt-cinq ans, dix femmes, aux nationalités, aux cultures, aux dieux et aux parcours de vies différents s’organisent autour d’un même outil. Chacune d’entre elles cuisine ses recettes traditionnelles.
Leur expérience constitue non seulement un exemple pour la vie associative vaudaise, mais aussi pour tous ceux qui se demandent ce que peut encore bien signifier le terme « solidarité », ajouté à la trilogie Républicaine sur le fronton de la Mairie de Vaulx-en-Velin. Ces femmes, par leurs actes, prouvent à toute une génération qu’il est encore possible de créer à partir de ses propres ressources, de ses propres savoir-faire, en s’organisant autour d’une vision commune de l’activité humaine et solidaire.
Ce film, c’est l’histoire de ces femmes qui se lancent sur l’une des voies de l’émancipation, en se proposant de questionner leur position dans l’ordre social et économique d’un pays dont certains soutiennent toujours qu’il n’est pas le leur. C’est un appel à tenter l’expérience de la démocratie à l’heure où celle-ci est sans cesse remise en question. Elles créent aujourd’hui leur emploi et tendent ensemble à une gestion économique sociale et solidaire, même si la réalité effective rend de plus en plus difficiles les possibilités pour un groupe productif d’avoir la maîtrise des débouchés de son travail.
Par leur démarche, elles rompent avec la tendance au repli, qu’il soit communautaire ou non. En s’associant autour d’une même activité, elles affirment au contraire la spécificité multiculturelle de leur entreprise, tout en assumant leur identité propre. Ainsi, ce sont des expériences, des visions du monde, des dieux et des parcours de vie différents qui cohabitent et collaborent à la recherche d’une cohésion. Leur diversité ethnique et culturelle cesse de faire frontière mais rassemble, devient richesse au sens propre, moteur qui les fait se reconnaître autour du partage de valeurs.
Le quartier n’est alors plus une enclave mais parfois l’espace-ressource sur lequel s’appuient les habitants pour s’en sortir.
Qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, réfugiées, immigrées ou descendantes de familles immigrées, ces femmes partagent aujourd’hui une réalité sociale et économique. Leurs parcours singuliers ont en effet convergé vers le quartier dit sensible de Vaulx-en-Velin et se retrouvent aujourd’hui liés. Elles ont œuvré et ont su s’organiser pour répondre aux nécessités que cette réalité a pu générer, pour ne pas céder à l’isolement, aux idées reçues, au défaitisme ou à l’invisibilité, elles ont pris la décision de renverser les clichés contemporains encore souvent liés à la banlieue, au terme d’intégration, à leur qualité même de femmes, à leurs origines ou encore à la cohabitation multiculturelle. A leur image.
Entre passé et présent, elles déplacent pas à pas notre point de vue sur leur réalité, et nous invitent à reconsidérer notre actualité avec toutes ses absurdités, ses peurs, ses injustices, mais aussi et surtout ses espoirs pour l’avenir.